Classes ouvertes au cours de l'année 1939-1940



Le Collège-école Industrielle n'a pas été requis par l'autorité militaire ; cependant il dût accueillir dans ses locaux le personnel et les élèves du Collège de Jeunes Fille réquisitionné par le Service de Santé militaire.
Les jeunes filles ont utilisé les locaux du Collège de garçons pendant la matinée et les garçons pendant l'après-midi de chaque jour ouvrable de la semaine. A partir de la mi-février l'horaire fut interverti. La Ville de Saumur dût faire aménager des classes 
supplémentaires dans un dortoir sans emploi en construisant quelques cloisons en planches. Le matériel scolaire (tables, chaises) du Collège de Jeunes Filles fut utilisé dans ces classes provisoires.
Les locaux cependant furent insuffisants étant donné l'afflux considérable d'élèves réfugiés, venus principalement des régions parisiennes et de l'Est.
Le principal, 6 professeurs, le surveillant général, les 2 répétiteurs, le maître d'internat, mobilisés, le professeur de Sciences Nat. appelé au Lycée d'Angers, furent remplacés provisoirement par des fonctionnaires repliées du cadre parisien (secondaire et primaire) ou des déléguées rectorales débutantes. Une chaire de Lettres classiques et une chaire de Lettres-espagnoles (occupée par un étudiant en Sorbonne candidat à l'agrégation) furent créées pour la bonne marche des études.
Le principal fut remplacé par un professeur de Collège délégué provisoirement dans la fonction, puis à la mobilisation de celui-ci par un professeur de l'établissement auquel fut adjoint en fin d'année scolaire un censeur replié du Lycée de Lille.
Les résultats dans l'ensemble, en ce qui concerne les examens, furent satisfaisants.

EFFECTIFS


Le nombre des élèves fut considérablement supérieur à celui des années précédentes. Cet accroissement du uniquement à l'afflux des réfugiés, au fonctionnement de l'internat, à l'augmentation très importante de l'effectif des officiers et des élèves-officiers de l'École de cavalerie et au fait que Saumur fut le lieu de repli du personnel du Ministère des Finances et de la Cour des Comptes.

RECRUTEMENT


L'effectif des externes fut surtout composé, comme les années précédentes, de fils de fonctionnaires, d'artisans, de commerçants et de fils d'officiers de l'École de Cavalerie. A ceux-ci vinrent s'ajouter les fils de hauts fonctionnaires du Ministère des Finances et de la Cour des Comptes repliés à Saumur.
L'internat, en baisse, malgré l'afflux de réfugiés, fut alimenté principalement par l'École Industrielle annexée dont les élèves viennent de toutes les parties du pays. La qualité fut médiocre tant au point de vue intellectuel que moral.
Le recrutement des internes pour les classes secondaires fut comme par le passé difficile. 
L'existence à Saumur d'un établissement libre à gros effectif, le nombre infime des boursiers, y sont certes pour beaucoup ; mais je crois surtout que la situation changera quand la mauvaise renommée de l'internat, due aux mauvais éléments de l'école Industrielle et aux traditions qui régnaient, disparaîtra. La transformation de l'état de choses existant n'est pas impossible avec une discipline juste mais sans faiblesses.
L'établissement hébergea comme les années précédentes les internes du cours complémentaire des « Récollets ».

SITUATION MORALE ET ÉTUDES


Le principal, mobilisé, n'ayant pas dirigé l'établissement pendant toute l'année scolaire 1939-1940, est peu qualifié pour donner un avis, qui pourrait peut-être paraître partial sur la discipline générale. Cependant le nombre beaucoup trop élevé des punitions (elles doivent être rares dans un établissement soumis à une discipline juste mais ferme) et le nombre des expulsions expliquent assez clairement ce que fut la discipline générale du Collège et de l'École industrielle annexée. Le principal put d'ailleurs s'en rendre compte pendant le temps qu'il passa à l'École de Cavalerie, sans avoir la possibilité ni le droit d'intervenir ou de donner des conseils.
L'indiscipline régna surtout dans l'internat. La tenue des élèves à l'extérieur laissa également fort désirer, ce qui influa fâcheusement sur la renommée de l'établissement qui était déjà suffisamment détestable. On peut donner comme décharge, si c'en est une, l'incapacité totale de la plupart des maîtres chargés de la surveillance. Je dois excepter toutefois ce que j'ai proposés pour un renouvellement de délégation qui ont fait tout leur possible pour maintenir leur autorité.
La présence des jeunes filles dans les classes de Maths-Elèm et de Philosophie n'eut aucune conséquence fâcheuse, au contraire, car elle stimule l'émulation chez les jeunes gens qui ne veulent pas paraître inférieurs à leurs condisciples de l'autre sexe.

EXAMENS DE PASSAGE


Les examens de passage en raison des circonstances n'ont pu avoir lieu en Juillet 1940. On a tenu compte seulement, conformément aux prescriptions ministérielles, de l'avis du conseil des professeurs et du conseil de classe. Les élèves incapables de suivre la classe supérieure ont du redoubler leur classe, certains ont été aiguillés vers un autre enseignement (section industrielle) d'autres enfin ont quitté l'établissement.

En Octobre les élèves nouveaux qui n'apportèrent pas un certificat scolaire suffisant ont été examinés.
Sur 13 élèves examinés:
6 furent reçus,
7 furent refusés
3 redoublent leur classe
4 ont préféré tenter leur chance dans un autre établissement.

Aucun élève de la section A était soumis a l'examen.
Deux élèves ont changé de section et sont passés en B.
En outre 3 élèves venus du, cours complémentaire des Récollets pourvus du Brevet Élémentaire ou du Brevet d'enseignement primaire supérieur ont été admis en 2° B après examen d'entrée réglementaire. Sur 23 candidats a l'entrée en 6eme 17 furent admis.
Quand la 6eme fut supprimée 4 élèves optèrent pour l'enseignement moderne ; 3 de ces élèves entrèrent dans la section industrielle et 1 élève quitta l'établissement pour entrer au Cours complémentaire des « Récollets ».

TABLEAU DES RÉSULTATS OBTENUS PAR LES BOURSIERS 


Trois de ces boursiers nationaux étaient réfugiés. En général les boursiers se sont montrés 
bons élèves. Deux ont été reçus au baccalauréat avec mention A.B.

APPRÉCIATIONS SUR LES RÉSULTATS DU BACCALAURÉAT


Les résultats ont donc été très bons. I1 est vrai que l'établissement n'a pas présenté les élèves douteux ; d'autre part les candidats ont bénéficié de l'indulgence des jurys qui, à la session de Juillet ont tenu compte des difficultés du moment et du trouble apporté dans les études d'élèves fatigués et énervés par les alertes, les bombardements et l'exode sur les routes de France. Certains élèves ont dut se présenter devant d'autres jurys que ceux de l'Université de Rennes.
Il n'y eut pas d'examen oral à la session de juillet. Les élèves ayant échoué en juillet s'attendaient peu à subir un oral en septembre à une date aussi rapprochée.
Le centre d'écrit de Saumur a fonctionné sans a coups.
Un fraudeur a été expulsé à la session de juillet et condamné par le Conseil de l'Université « une peine juste et suffisante ».

ENSEIGNEMENT DU CHANT


L'enseignement du chant s'est continué cette Année dans toutes les classes ou cet enseignement était prévu par le plan d'études. Le chant choral a été pratiqué. Cet enseignement fut assure par le professeur de chant du Collège et de 1'E.P.S. de 
Jeunes Filles. La discipline, si je pus en juger d'après le nombre impressionnant des retenues infligées y fut déplorable.

UTILISATION DU CINÉMA ET DE LA TSF


L'établissement ne possède ni l'un ni l'autre de ces « instruments ».

ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE DANS LES SECTIONS A et A'


L'enseignement scientifique donne de bons résultats dans ces sections qui renferment généralement les meilleurs élèves. Cependant les grands élèves ont en général trop tendance à être « hypnotisés » par le coefficient 3 des mathématiques au baccalauréat. I1 leur arrive de négliger et même « bâcler » leurs travaux littéraires.

LES ÉTUDES LITTÉRAIRES DANS LA SECTION B


Cette année les classes de 3° et 4° géminées précédemment ont été séparées grâce à la création d'une chaire de lettres réclamée depuis longtemps. Cette création a permis de donner un enseignement littéraire plus complet et la section B a bénéficié des heures de français prévues au programme ce qui n'avait pu exister jusqu'ici. Il est à souhaiter que cet état de choses continue, car si on vient à géminer à nouveau ces deux classes (comme c'est malheureusement le cas depuis la rentrée de 1940), elles n'auront, comme auparavant qu'une caricature d'enseignement littéraire et la préparation pour l'entrée dans le 2°cycle sera nettement insuffisante. L'« économie » d'une chaire, par ailleurs complètement indispensable, est néfaste et oblige le chef d'établissement a des « combinaisons », des « tours de force » peu compatibles avec de études régulières et profitables.

ENSEIGNEMENT DU LATIN ET DU GREC


L'enseignement du latin et du grec a toujours la faveur des familles :
    section A 37 élèves
    section A’ 57 élèves 
    section B 54 élèves 
Les élèves de la section A, faisant somme toute le Grec en plus des autres matières communes à toutes les sections sont en général les meilleurs élèves.
Il est à mon humble avis souhaitable qu'on revienne à la vielle distinction de l'enseignement classique et de l'enseignement moderne. Alors les littéraires pourront consacrer toute leur activité à l'étude des humanités et on ne verra peut—être plus cette chose paradoxale : un élève des sections dites littéraire reçu au baccalauréat avec des notes lamentables en lettre (grâce à ses notes de sciences).

ORGANISATION DES LOISIRS


Aucune organisation des loisirs ne fut possible.

ŒUVRES DE GUERRE


Chaque classe fut « marraine de guerre » et chaque élève eut son filleul auquel il envoya des colis substantiels.

SITUATION SANITAIRE


L'éducation physique n'eut aucune répercussion fâcheuse sur le travail intellectuel. Il n'y eut pas ce qu'on a coutume d'appeler « abus des sports au détriment du travail ». 
Il est agréable de constater que les élèves s'intéressent de plus en plus à la culture physique et encore plus de voir que les bons élèves, sans toujours briller, tiennent une place forte honorable dans les résultats obtenus.
L'horaire pratiqué fut réglementaire. L'enseignement fut assuré, en l'absence du titulaire, par une déléguée rectorale. Les séances eurent lieu dans la cour de l'établissement et au stade municipal.
La gymnastique « au saut du lit » n'a pas été pratiquée, les surveillants eussent été incapables de l'imposer et de la diriger.
La journée de plein air et les jeux dirigés eurent lieu au stade municipal sous la direction du professeur d'éducation physique. Il est à regretter de constater que la natation ne fut pas pratiquée.

HYGIENE


Chauffage difficile par poêles primitifs à boulets. Tirage défectueux.

ÉCLAIRAGE


De jour, insuffisant pendant toute la période d'hiver. Mauvais emplacement et orientation des classes. Le soir l'éclairage électrique est suffisant. Les études sont dotées de diffuseurs.

BAINS-DOUCHES


Une fois par semaine dans l'établissement. Ces bains douches qui avaient été délaissés 
depuis longtemps ont été remis en état et fonctionnent normalement. Lavabos à eau 
courante dans des auges communes d'assez mauvais aspect. L'écoulement se fait mal. Il y a 
un lavabo extérieur a l'entrée du réfectoire.
Des W.C. à la turque et à chasse d'eau près de chaque dortoir ont, quoique tenus propres, un 
aspect peu engageant.

SERVICE MÉDICAL


Contrôle de la santé des élèves ; Le service médical fut assuré par deux médecins de la ville, en l'absence du médecin du Collège, le docteur Seigneur, mobilisé. Pas d'épidémies graves à signaler, quelques cas de grippe et d'angine.

ALIMENTATION


Petit déjeuner à 7h30 : café au lait, pain à discrétion.
Plat de poisson une fois, souvent deux fois, par semaine.
L'approvisionnement en légumes frais étant facile dans cette région privilégiée il est possible de donner des légumes frais à tous les repas pendant presque toute l'année scolaire.

ASSOCIATIONS DE PARENTS D'ÉLEVES et D'ANCIENS ÉLEVES


a) Association de parents d'élèves : peu active, le président titulaire était mobilisé.
b) Association d'anciens élèves : en sommeil et sans influence sur le recrutement des élèves, par contre l'association des anciens élèves de l'École industrielle s'intéresse toujours beaucoup à la marche de l'École et s'occupe volontiers de trouver des emplois aux élèves sortants

PERSONNEL


Statistique du personnel

a) mobilisés :
Le Principal,
2 professeurs de Mathématiques,
1 -- de Physique,
1 -- de Philosophie,
1 -- de Dessin,
1 -- de Culture Physique,
1 -- Surveillant général,
2 répétiteurs,
1 maître d'internat,
1 professeur de Technologie de l'École industrielle,
1 chef d'ateliers de l'École industrielle,
b) restant :
1 professeur d'Histoire,
2 professeurs de Lettres,
c) réfugié :
2 professeurs de Langues vivantes,
1 instituteur détaché (ancien régime),
1 institutrice détachée (nouveau régime),
1 professeur agrégé du cadre parisien
2 institutrices licenciées du cadre de la Seine,
1 maîtresse d'internat licenciée de Philosophie du lycée de jeunes filles de Troyes
1 professeur de Dessin de la Ville de Paris,
1 professeur de Math.(suppléante) du Lycée français de Prague,
d) délégué rectoral:
1 professeur de Lettres Espagnol étudiant en Sorbonne (Candidat à 
l'agrégation),
1 professeur de Sciences (étudiante pourvue de 3 certificats),
1 professeur de Gymnastique (féminin),
1 maître d'internat stagiaire de surveillant général.
2 maîtres d'internat intérimaire répétiteurs.
A signaler : 1 professeur de Sciences fut appelé à Angers pour remplacer un professeur 
du Lycée mobilisé.

Le Principal fut remplacé :
1° par un professeur de Lettres du Collège de Châtellerault nommé à titre provisoire
2° par un professeur de Lettres de l'établissement, assisté à la fin de l'année scolaire par le censeur du Lycée de Lille, réfugié.

Fin Mai 1940, le Collège accueillit :
1° le censeur du Lycée de Lille déjà nommé délégué provisoirement dans les fonctions de principal,
2° 1 professeur du Co11ége de Soissons (Philo)
3° 1 professeur du Collège de Calais (Allemand)

RÉPARTITION DES ÉLEVES


ENFANTINES
               EXTERNES PENSIONNAIRES PRIMAIRE SECONDAIRE RÉCOLLETS
Juin 39     163           93                    59           101              27
Juin 40     361           75                    93           322              21

(Remarquez l’augmentation du nombre d’élèves en 1940 suite au repli d’administrations parisiennes sur Saumur)

CONCLUSION


En résumé la situation intellectuelle de l'établissement fut très satisfaisante. Le personnel enseignant, à part quelques faiblesses et défaillances du personnel féminin, fut à la hauteur des circonstances et fit de son mieux pour remplacer le personnel mobilise. Les résultats obtenus dans les classes d'examen prouvent que les études furent, comme d'habitude d'un 
niveau assez élevé et peuvent être comparées à celles de n'importe quel établissement régional.
Cependant pour que les études continuent sur ce mode il est absolument nécessaire de séparer, comme cette année, les classes de 3° et 4°. La chaire de Lettres créée pendant l'année scolaire 1939-1940, réclamée depuis longtemps par mes prédécesseur devrait être maintenue, sinon l'enseignement donné dans ces classes géminées, programmes nettement différents, ne pourra être d'aucun profit pour les élèves et ne sera en définitive qu'une caricature d'enseignement littéraire. De 
plus la section B ne pourra avoir son horaire normal.
La situation morale, par contre, fut nettement moins bonne surtout dans l'internat. II y a un gros effort à fournir pour améliorer la renommée d'un établissement qui, malgré les résultats obtenus aux examens, est peu en faveur dans une région ou le recrutement est naturellement difficile. Ce recrutement deviendra encore plus ardu maintenant que 1'école de Cavalerie a quitté la ville de Saumur et que la France est coupée en 2 zones non communicantes. Ce relèvement n'est cependant pas impossible, une discipline juste et ferme peut suffire, surtout en ce qui concerne l'École industrielle qui a sa lourde part dans le mauvais renom de l'établissement. Le principal, qui a pris possession effective de son poste à sa démobilisation, y consacre toute son énergie toute son activité.
La situation matérielle est peu reluisante. Des réparations ou aménagements partiels des bâtiments ne sauraient suffire. Il conviendrait de prévoir un plan d'ensemble de construction, surtout en ce qui concerne la partie réservée à l'internat. Les dortoirs sont vétustes et difficiles à tenir en bon état; les moyens d'accès sont sombres et par suite dangereux les lavabos et privés, quoique tenus propres dans un état lamentable. Les locaux réservés aux classes sont sombres et de dimensions insuffisantes pour le nombre d'élèves qui les fréquentent; le matériel est en nombre suffisant mais disparate. Il manque une salle et du matériel de gymnastique pour que la Culture Physique puisse se faire dans de bermes conditions. Il conviendrait peut—être d'envisager la possibilité d'obtenir l'accès au stade de l'École de Cavalerie quand les bâtiments de l'École seront libérés des troupes d'occupation.

Saumur le 13 Novembre 1940