Classe Section A
(latin obligatoire, grec facultatif à partir de la 4e) |
Section B (sans langue ancienne) |
6e et 5e 2 heures de calcul 1 heure sciences naturelles |
4 heures calcul (6e) ou mathématiques (5e) 2 heures sciences naturelles |
4e 1 heure mathématiques (+1 facultative) 1 heure sciences naturelles |
4 heures mathématiques 2 heures physique-chimie |
3e 2 heures mathématiques (+1 facultative) | 3 heures mathématiques 2 heures physique-chimie 1 heure sciences naturelles |
2eme cycle
Classe Sections A et B | Sections C et D |
1 heure mathématiques 2e 1 heure physique-chimie 12 conf. d'1 heure de géologie |
5 heures mathématiques 2 heures sciences naturelles 2 heures d'exercices pratiques 12 conf. d'1 heure de géologie |
1e 1 heure mathématiques 1 heure Physique-chimie |
5 heures mathématiques 3 heures physique-chimie 2 heures d'exercices pratiques |
Terminale Classe de philosophie 2 heures mathématiques 2 heures sciences naturelles 3 heures physique-chimie |
Classe de mathématique 8 heures mathématiques 5 heures physique-chimie 2 heures sciences naturelles |
Comme on le voit sur les tableaux ci-dessus, malgré ces déclarations, l'enseignement des sciences reste modeste... Finalement, les programmes de 1902, sans doute, malgré tout, les plus favorables aux sciences, ne doivent une supériorité horaire de celles-ci sur les lettres, dans le second cycle, qu'à la prédominance des mathématiques (5 heures en seconde et première et 8 en classe de Mathématiques) et à l'introduction des travaux pratiques. Mais ne gâchons pas notre plaisir : cette situation ne se reproduira pas. En 1965, lors de la réforme qui renoue avec un second cycle différencié au profit des sciences, après un long temps de retour des lettres, la classe de seconde C n'aura que 9
heures de sciences (maths et physique-chimie) pour 12 heures de lettres.
Il n'est pas possible d'en dire plus sur le XXe siècle. Retenons simplement la disparition rapide (1912) des conférences de géologie et de la physique du premier cycle. Les programmes de 1925 reposent sur ce qu'on nomme l'égalité scientifique : mêmes programmes scientifiques pour toutes les sections,
ce qui conduit inexorablement à la hiérarchie de celles-ci puisque les enseignements de latin et grec n'ont aucun équivalent pour les élèves qui en sont privés. La hiérarchie entre les sciences est également flagrante. Les mathématiques dominent en horaires, et exercent leur
fonction de sélection, qui se substitue dans les sections scientifiques à celle du latin-grec des sections littéraires. Même
hiérarchie, quoique plus discrète entre les sciences physiques et les sciences naturelles. Les secondes, sciences
d'observation réservées aux élèves du premier cycle, les premières, expérimentales et rationalisées (notamment la physique qui participe à la sélection par son usage des mathématiques) enseignées à partir de la seconde.
Pourtant, n'introduisit-on pas, après la guerre, des sciences naturelles dans le second cycle ? D'abord en créant la section de Sciences expérimentales en Terminale, entre les classes de Philosophie et de Mathématiques élémentaires en 1945, avec un enseignement renforcé en sciences naturelles. Puis en instituant, en 1951 des classes de C' et de M' à côté des sections C (latin-sciences) et M (sciences-langues). Pour qui les a connues, il est patent que ces classes
n'étaient en fait qu'un moyen d'évacuer des sections C et M les élèves les moins doués en maths. Et c'est ici qu'il convient de s'interroger, pour finir, sur le rôle joué par les sciences, notamment biologie et géologie, et leur pédagogie dans le cursus des études secondaires.
Un des éléments de la réforme de 1902, et qui contribue à présenter les sciences comme des humanités, est la rénovation pédagogique qui accompagne la publication des programmes. Elle est particulièrement nette en sciences naturelles où elle anticipe sur les discussions pédagogiques de l'après-guerre ayant conduit à la pédagogie de la redécouverte, chère à Charles Brunhold directeur général de l'enseignement
secondaire. La même ambition de nourrir l'esprit des faits et des choses plutôt que des mots et des phrases occupait déjà Fourcroy lors de la création des
Écoles centrales de l'an IV. C'est bien normal de la part de scientifiques. Mais que dire quand les réformes sont mises au
service d'un enseignement moyen destiné à écarter des études secondaires les enfants de la petite bourgeoisie ?
La création d'une école moyenne en France est un acte inlassablement renouvelé au long du
XIXe siècles. Il s'agit d'arrêter l'encombrement des postulants à l'entrée des carrières, car le grade de bachelier ouvre l'entrée à toutes les professions civiles. En 1833, Guizot, ministre de l'Instruction publique, dit tout crûment qu'il n'est pas bon d'envoyer les enfants des classes moyennes dans les collèges et lycées, sous peine de leur donner « des relations et des goûts qui leur rendent difficile ou presque impossible de rentrer dans l'humble carrière de leurs pères. » (5). Et afin de les en éloigner, tout en satisfaisant leur désir d'élévation sociale, il crée, entre les écoles élémentaires (qu'il
fait opportunément obligation à chaque commune d'ouvrir), et les lycées et collèges, des écoles primaires supérieures. Mais l'attraction du Secondaire est telle que les EPS sont vite rattachées aux collèges et qu'il faut renouveler le geste ; en 1847, Salvandy crée l'enseignement spécial dans la même intention : trois ans à l'issue de la 4e. Et en 1865, par une nouvelle absorption, cet enseignement se réduisant à peu d'établissements, tels, à Paris, le collège municipal Chaptal et l'école municipale Turgot ou les frères de Passy, Victor Duruy recommence le travail de Pénélope. Mais en homme avisé il le nomme enseignement secondaire. Il y aura deux enseignements secondaires, dit-il, « l'un classique pour les carrières libérales ; l'autre professionnel pour les carrières de l'industrie, du commerce et de l'agriculture ». Et pour valoriser cet enseignement, il précise : « On insistera sur la pratique. Rien ne sera donné à la spéculation pure ; au lieu de se borner à faire expliquer aux élèves l'anglais et l'allemand dans les livres, on les leur fera parler. On les mènera au laboratoire de chimie pour faire des manipulations, sur le terrain pour lever des plans, dans la campagne pour étudier certaines cultures, dans les usines pour voir fonctionner les appareils. (6) » Et le géologue Elie de Beaumont, dans son rapport au Sénat, insiste sur cet aspect pratique d'un enseignement parfaitement adapté à la classe « intelligente et laborieuse ».
Or les sciences, qui viennent de perdre leur place par suite de la suppression de la bifurcation, retrouvent une certaine dimension dans les programmes de cet enseignement. « C'est dans la nature que l'industrie et l'art puisent leurs
moyens d'action ; l'histoire naturelle s'adresse à toutes les intelligences, comme à tous les âges et presque à toutes les professions ; il faut donc en inspirer le goût aux enfants ». Destiné aux meilleurs élèves de la fin des études primaires, l'enseignement se compose d'une année préparatoire et de quatre années d'enseignement proprement dit. L'histoire naturelle est enseignée aux cinq niveaux à raison de deux heures hebdomadaires. L'ensemble des sciences représente entre 6 et 15 heures selon les classes. Associées à la douzaine d'heures réservées aux lettres, et autant aux « exercices » : gymnastique, dessin, chant... et calligraphie.
Pour faire le raccord avec ce qui précède, précisons que cet enseignement devient « moderne » en 1891. Il se termine par un baccalauréat quoiqu'il dure un an de moins que l'enseignement classique. Et c'est la réforme de 1902 qui alignera les durées. L'unification est réalisée... si ce n'est que de nouvelles EPS ont été créées en 1886, de même que les cours complémentaires des écoles primaires, qui s'arrêtent au niveau du brevet. Et qui ne rejoindront les établissements
secondaires qu'à la Libération.
Que conclure ? À chacun de se faire sa propre religion. Dans l'une des études citées (note 4), je me suis amusé à comparer cet enseignement moyen à celui qu'instaurera Gentile sous le fascisme. Et la valorisation des études pratiques à certaines formules d'Edgar Faure en 1968, quand il préconisait d'apprendre à démonter un dérailleur de bicyclette ou de remplir une feuille d'impôts. Mais évidemment ces propos polémiques rendent mal compte des efforts de la rénovation pédagogique dans l'enseignement des sciences.
1 D'après Hulin N. (éd.) Sciences naturelles et formation de l'esprit. Autour de la réforme de l'enseignement de 1902.
Études et document, Villeneuve d'Ascq, presses universitaires du Septentrion, 2002, p. 247
2 Ibid., p. 204-5.
3 Ibid. Notamment Gohau G. Redécouverte d'hier et d'aujourd'hui, p. 163-181. Également, pour l'époque qui précède Gohau G., « Programmes et manuels de géologie dans l'enseignement secondaire (1833-1882), Histoire et nature n°2, 1974, p. 73-85.
4 Gohau G., « L'école moyenne en France (XIXe siècle) », Cahiers rationalistes, avril 1991.
5 D'après Savaton P., La carte géologique dans l'enseignement secondaire... Thèse de didactique des disciplines, Université Paris VII-Denis Diderot, 1998, multigraphié, p. 62.
6 Enseignement secondaire spécial. Décrets, arrêtés, programmes., 1866. D'après Gohau, 1991 (note 4).